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J’ai quitté l’homme de ma vie pour la femme de ma vie !

La libéralisation des mœurs en matière de sexualité progresse, fort heureusement, dans nos sociétés occidentalisées, si bien que les attitudes agressives et propos insultants du siècle dernier, adressés aux homosexuels, s’effacent pour laisser la place à l’acceptation et la banalisation d’une orientation sexuelle naturelle et propre à la sexualité humaine.

Mais si elle est acceptée dans son ensemble, à l’échelle de la population, elle reste souvent décriée lorsque ce que ce choix s’exprime au terme d’une relation homme-femme, où, il est vrai, l’implication émotionnelle ne facilite pas l’acceptation, comme dans tout divorce me direz-vous…

Aujourd’hui, Laurence, institutrice dans l’enseignement libre en primaire et maman de deux enfants, en couple avec Sonia, animatrice et maman également de deux enfants, a souhaité témoigner de son parcours et de ses souffrances, avec beaucoup d’amour et de respect envers les gens qu’elles aiment et qu’elle a aimés. 

Laurence, quelle était votre vie avant Sonia ?

L’homosexualité s’est imposée à moi à l’âge de 46 ans. J’étais mariée depuis vingt-quatre ans et maman de deux enfants, un garçon et une fille, âgés respectivement de 17 ans et 20 ans.

J’étais sincèrement heureuse avec mon mari. Je l’avais rencontré à l’âge de 11 ans. Cela faisait trente ans que nous étions ensemble. En fait, j’avais une vie comme beaucoup en rêverait : un homme qui a l’esprit de famille, une belle et grande maison, nous partions souvent en vacances et nous ne nous disputions pratiquement jamais.

À l’époque, nous fréquentions déjà Sonia, qui était en couple avec une autre femme. Elles ont eu ensemble deux enfants. Je la connaissais aussi depuis longtemps, grâce aux animations musicales organisées dans l’école où je travaille.

Bref, tout le monde se connaissait et tout le monde s’entendait bien.

Que s’est-il passé pour que vous décidiez de changer votre vie de tout au tout ?

À la fin de notre relation, mon mari se satisfaisait pleinement de la vie que nous avions. Mais pas moi. Avec le temps, nos besoins sont devenus différents, nous ne marchions plus vraiment dans la même direction. Mais si nos chemins se séparaient, cela se faisait sans tension, et jamais je ne pensais quitter ce paradis.

Jusqu’à cet épisode du Parc Astérix, durant les vacances d’été !

Je devais m’y rendre avec ma filleule. Etant tombée malade, sa maman a décommandé et je me suis retrouvée avec deux tickets dans les mains. J’ai tout d’abord proposé à ma fille de m’accompagner mais à 20 ans, le Parc Astérix n’a rien d’attractif.

J’ai donc proposé à Sonia de m’accompagner. Et à ma surprise, elle a accepté, alors qu’au fond, je savais qu’elle détestait les parcs attractions. Durant cette journée, nous nous sommes vraiment bien entendues. Nous avons pas mal parlé et rigolé. Et au moment du retour, juste avant de remonter dans le bus, je ne sais pas ce qui m’a pris, je l’ai embrassée. À partir de ce moment-là, plus rien d’autre n’a compté. Durant les semaines qui suivirent, j’ai tout fait pour passer le plus de temps avec elle.

À l’époque, nous fréquentions déjà Sonia, qui était en couple avec une autre femme. Elles ont eu ensemble deux enfants. Je la connaissais aussi depuis longtemps, grâce aux animations musicales organisées dans l’école où je travaille.

Bref, tout le monde se connaissait et tout le monde s’entendait bien.

Quelle était la situation maritale de Sonia à cette époque ?

Elle était en couple avec une autre femme et leurs deux enfants étaient dans l’école au sein de laquelle je travaille. Je pense que leur couple fonctionnait bien.

Nous construisions notre vie paradisiaque chacune de notre côté et nous avions peur de briser quelque chose de merveilleux. Cette peur nous a poussée à prendre des distances pour nous ressaisir. Mais le besoin de nous revoir était plus fort que tout.

Comment votre ex-mari a été averti de cette situation ?

Mes absences répétées ont éveillé le doute chez mon ex-mari, si bien qu’un jour, il a décidé de me suivre. Quand il a compris ce qu’il se passait, il est entré dans une rage folle. Il m’a suivie, épiée, il a tout démoli dans la maison de Sonia. Il est devenu comme fou !

Dans mon esprit, à l’époque, je ne comptais pas divorcer. Je pensais pouvoir vivre cette relation tout en étant mariée et rester auprès de mes enfants.

Comment les enfants ont-ils été informés de votre homosexualité ?

C’est mon ex-mari qui leur a annoncé. J’étais assise dans le fauteuil du salon et mon ex-mari a convié les enfants à s’asseoir. Très solennellement, il leur a dit : « Voilà, maman a fait une très grosse bêtise ! ». Je lui disais : « Non, pas comme ça ! Laisse-moi leur parler et leur expliquer ! » Mais il ne m’en a jamais donné l’occasion. Résultat d’un schéma patriarcal hérité de ses origines sans doute ! Les enfants se sont retrouvés en otage d’une certaine manière et je n’ai jamais pu en discuter de vive voix avec eux.

Et ensuite, le départ ?

Le 10 novembre, cet excès de violence m’a poussée à partir pour ne plus jamais revenir. Je suis partie en laissant tout derrière moi, mes effets personnels, mon matériel scolaire et même mes enfants qui étaient âgés de 17 et 20 ans à cette époque.

Je me suis installée dans une maison d’hôtes pendant deux mois. J’ai fait la connaissance d’un merveilleux couple avec lequel je suis toujours en contact. Ils ne m’ont pas jugée et m’ont beaucoup écoutée. Ensuite, j’ai loué une maison toute seule durant un an.

Pendant ce temps-là, Sonia et sa compagne se séparaient, mais de manière bien plus pacifique. Après quelques mois, Sonia est venue vivre avec moi.

Enfin, en février 2012, nous avons emménagé ensemble, dans sa maison.

Est-ce que ce départ a permis à chacun de s’apaiser et de restaurer le dialogue ?

Non ! Absolument pas. La violence n’a fait que croître. Il m’attendait devant chez moi, me menaçait. Outre ces intimidations, il a commis des dégradations sur la voiture de Sonia. Je n’avais pas non plus le droit d’approcher de la maison, ni des enfants ! C’était vraiment dur !

Je me souviens aussi d’une fois où il me suivait en voiture, et c’était mon fils au volant ! j’étais terrorisée à la fois par la scène et le fait qu’il arrive quelque chose de grave.

Je n’avais pas non plus le droit d’entrer en relation avec mes enfants. Au point que je ne pouvais même pas savoir quelles seraient les études supérieures entreprises par mon fils ! En investiguant, j’ai fini par savoir qu’il était inscrit dans une haute école à Mons, mais seul le nom de son père était renseigné sur les documents d’inscription.

Quelle a été l’attitude de votre famille et ex-belle-famille ?

J’ai été rejetée de tous, même par ma mère. C’est d’autant plus paradoxal que nous étions extrêmement proches.

Mon ex-belle-famille est d’origine méditerranéenne et de confession catholique. J’étais vraiment très proche de tous, notamment de ma belle-sœur que je considérais comme ma sœur. Nous étions habituées à passer beaucoup de temps ensemble, il n’y avait que des rires et de l’entente entre tous.

Mais ma séparation a été vécue comme un séisme dans cette famille, moi, seule, d’un côté face à eux qui me rejetaient et m’insultaient. Le contraste est saisissant et on ne comprend évidemment pas comment il est possible de passer du bonheur familial à autant de haine.

Et vos amis ont-ils eu la même réaction ?

J’en ai perdu. Notre relation, avec mon mari, semblait lisse, parfaite aux yeux de tous. Le séisme n’en a été que plus grand et plus long. Ce qui a choqué la majorité d’entre eux n’était pas tant le fait que je sois homosexuelle. Le simple fait que nous nous séparions les a bouleversés. Tous nous ont dit : « Non, pas vous ! » avec la peur (in)consciente que si cela nous arrivait, cela pouvait aussi leur arriver. Mais c’est arrivé !

Affichaient-ils un rejet pour les homosexuels d’ordinaire ?

Ma maman était et est toujours très ouverte. Elle a participé aux préparatifs du premier mariage gay de la commune. Mais ce qu’elle pouvait accepter facilement pour les autres, elle ne l’acceptait pas au sein de sa famille. Dès lors, elle m’a jetée dehors. Et puis, pour reprendre ses termes, je n’avais pas de raisons de divorcer. Il est vrai que pour beaucoup de personnes, tant que nous ne sommes pas battues, maltraitées ou en présence d’un mari alcoolique, nous n’avons pas d’excuses pour briser un ménage. Elle, elle n’avait pas eu une vie facile avec mon père mais elle était restée auprès de lui, à le soigner jusqu’à sa mort.

Sauf que moi, je considère que l’on a le droit d’attendre de la vie plus de réjouissances et de vivre pleinement celles qui contribuent à l’épanouissement, si pas avec son mari, avec quelqu’un d’autre.

Je viens d’une famille très catholique, je pense que cela influence les mentalités et ce que nous sommes en mesure de tolérer. Mon ex-mari et sa famille l’étaient tout autant que moi d’ailleurs.

Mon ex-belle-famille était très ouverte aussi sur le sujet. C’est ce qui est le plus fou. Aujourd’hui, le plus dur est de se dire que j’ai été rayée de leur vie. J’ai été rejetée du clan.

Finalement, les gens se disent ouverts sur tous les sujets pour autant que cela ne franchisse pas les frontières du cadre familial.

Avez-vous entrepris de divorcer et de faire appel à un avocat ?

Oui, en 2012, avec mon avocate, nous avons tenté de faire avancer les choses. Je voulais divorcer et récupérer mes affaires, dont mon matériel scolaire qui m’était précieux. Par son intermédiaire, j’ai fait suivre une liste des choses. Celle-ci comprenait des meubles, mes vêtements, chaussures, albums photos. Quand je suis arrivée, tout était sur le trottoir. J’étais choquée de ce spectacle ! Il m’était interdit de pénétrer dans la maison bien sûr.

Ensuite, nous avons dû interrompre la procédure de divorce, sur les conseils de mon avocate. L’objectif était que les choses s’apaisent durant ce break car la violence ne s’était pas volatilisée. Elle recevait des lettres de menaces de mon ex-mari, stipulant qu’il était prêt à faire sauter la maison ! Nous étions plongées dans un climat de peur et cette interruption dura deux ans.

Le divorce fut prononcé en 2014 et le solde de la maison fut réglé.

Avez-vous tenté de contrer votre mari pour revoir vos enfants ?

Oui, évidemment. Mais c’était dur. Il m’interdisait d’approcher de la maison, de leur parler. Il voulait juste que je parte et lui laisse tout, même la maison, sans aucun dédommagement.

Je l’avais trahi. J’étais morte. Le manque était énorme tant pour moi que pour eux. Je me souviens que j’hurlais en disant « je ne suis pas morte ! », « Je reste votre maman! ».

Il y avait finalement la violence déclarée de mon ex-mari et la violence passive, qui émanait du manque de mes enfants, un manque que vous ressentez au plus profond de vous-même, de vos tripes. 

Je me souviens d’une fois où nous avions convenu d’un rendez-vous sur un parking avec mon fils et ma fille. Je pense que c’était la première fois que je revoyais mon fils après la séparation. Quand il est arrivé, j’ai eu une crise de manque tellement forte que j’ai couru vers la voiture, ouvert la portière et tenté de le décrocher de son siège pour le serrer dans mes bras. Je l’ai presque arraché de son siège ! Mais face à cette scène, ils ont paniqué et ont appelé la police et une ambulance. Ils m’ont crue folle.

Je crois que je le devenais. 

Durant ces premières années, vous n’avez pas revu vos enfants. Mais comment était leur relation avec leur père ?

Je pense que mon ex-mari a enfermé les enfants dans sa douleur. Le mot « maman » ne pouvait être prononcé en sa présence. Et puis, de manière générale, les enfants sont loyaux envers un parent qui souffre. Face à cette souffrance importante, ils n’ont sans doute pas voulu s’opposer à lui pour garder le contact avec moi. Sans compter qu’à leurs yeux, j’étais dépeinte comme la méchante mère égoïste qui avait brisé leur famille et fait du mal à leur père.

À 20 ans, votre fille était pourtant indépendante et libre de faire ce qu’elle voulait de sa vie. A-t-elle finalement pris position ?

Deux ans après notre séparation, ma fille avait terminé ses études et s’installait avec son petit-ami. Ce qui lui a permis de s’extraire de cet environnement familial morose. Alors que mon fils, lui, malheureusement y est resté, le temps d’obtenir son diplôme.

Après une période de crise qui dura deux ans, elle est revenue vers moi. Nous avons recommencé à faire des choses à deux. Maintenant, nous sommes passées toutes les deux au-dessus de tout ça et nous vivons d’heureux moments. Elle a une ouverture d’esprit qu’elle n’avait pas par le passé.

Depuis lors, elle est maman d’un petit bonhomme qui fêtera bientôt sa première année de vie. C’est un vrai petit soleil dans nos vies. J’aurais aimé que l’arrivée de ce petit bout d’chou aide chacun à recouvrer son bon sens mais cette naissance n’a pas suffi.

Qu’est-ce qui vous a permis de tenir bon alors que vous étiez malmenée par la violence d’un ex-mari, le rejet d’une famille entière, et le manque de vos enfants ?

Sonia m’a beaucoup soutenue. De même, son ex-compagne qui, malgré sa rupture, faisait preuve de soutien et d’empathie. La famille de Sonia, très ouverte sur le sujet et bienveillante, m’a ouvert les bras et apporté le réconfort dont j’avais besoin.

Heureusement que de ce côté-là, il y avait une famille présente. Je ne sais pas comment j’aurais fait pour faire face à tant de violence, de manque et de rejet, si là aussi j’avais dû me battre pour exister.

Ensuite, je me suis retrouvée dans un circuit où je rencontrais plus de personnes homosexuelles comme moi. L’ex-compagne de Sonia a refait sa vie et nous nous fréquentons régulièrement ainsi que d’autres couples masculins.

Quel regard Sonia porte-t-elle sur la situation actuellement ?

Sonia éprouve beaucoup de rancœur et ne comprend pas cette bêtise humaine. Elle n’a jamais connu ça. Même si elle est séparée de son ex-compagne, nous avons toujours d’excellents contacts et elles ont opté pour une garde alternée des enfants qu’elles avaient en commun. Chacune a un enfant biologique mais comme les enfants ont été élevés comme un frère et une sœur, elles ont convenu qu’il ne fallait surtout pas les séparer malgré la séparation. Aujourd’hui, nous formons une immense famille où les enfants sont au centre, entourés par les parents, les papas et beaux-parents. Chacun s’occupe de tout le monde quand il en a la garde et aucun enfant n’a à en souffrir. Son ex-compagne a eu une petite fille. Nous formons une grande tribu qui se respecte. C’est un fort contraste avec la violence qu’elle a aussi subie de la part de mon ex-mari.

Et aujourd’hui ? Quelles sont vos relations avec vos enfants et votre ex-famille ?

Ma fille est maman d’un petit garçon qui fait notre bonheur à tous. Je la vois souvent à la maison, ou nous partons en week-end à trois. Elle s’est apaisée et a trouvé son équilibre dans cette famille recomposée.

Mon fils habite avec sa copine. On se voit quand il le décide. Il a repris ses études et a décroché un bon job. J’ai eu aussi le plaisir de rencontrer sa compagne mais les relations avec lui ne sont pas linéaires. La seule fois où j’ai consulté une psychologue, c’était à ce sujet. Elle m‘a expliqué que sa détresse devait être telle qu’il était sans doute moins douloureux pour lui de s’isoler de moi.

Chacun a appris à vivre sans l’autre. Le manque est moins profond.

Que ressentez-vous aujourd’hui pour votre ex-mari ?

J’ai de la peine pour lui car il n’a pas su rebondir. C’était quelqu’un de bien, beau et qui avait tout pour lui. Aujourd’hui, il vit toujours seul dans cette même maison. Je lui en veux de toute cette violence.

Sur base de votre expérience, qu’est-ce que vous recommanderiez à un couple qui se sépare pour les mêmes raisons que vous ?

Homosexualité ou pas, il est important de savoir que lorsqu’on s’engage à vivre une autre vie, il faut se rendre compte de ce que l’on perd. Les gens ne réalisent pas le mal que l’on peut faire en niant l’autre, quand il y a des tiraillements.

Il faut de la force pour passer au-dessus de tout cela.

Ce qui est cassé est cassé et je l’ai accepté. Je ne retrouverai jamais la relation que j’avais avec mon fils, avant ses 17 ans.

Vous êtes aussi institutrice. Pensez-vous qu’il faille aborder ce sujet à l’école pour diminuer le rejet de la différence ?

En classe, je suis plus attentive lorsque je discute de certains sujets. Les familles ne sont pas toutes composées d’un papa et d’une maman et je n’hésite pas à aborder certains sujets tels que « 2 filles ou 2 garçons peuvent-ils se marier ? » J’introduis une ouverture réflexive auprès des enfants de ma classe qui sont âgés de 6-7 ans.

Je suis aussi très attentive vis-à-vis des parents séparés. Je suis à l’écoute des deux car les deux ont de l’importance pour un enfant. Je suis toujours heureuse d’ailleurs lorsque les deux parents viennent ensemble aux réunions de parents. Et si les parents ne peuvent supporter la présence de l’autre, je m’arrange pour les recevoir tous les deux à des horaires différents.

Et aujourd’hui, avez-vous renoué avec le bonheur ?

Oui, je suis très heureuse avec Sonia. Et encore plus avec l’arrivé de mon petit-fils.

Le manque que je ressens pour mon fils est encore présent mais moins fort qu’avant. Je ne fais plus de crises de détresse.

Même si je ne suis jamais conviée aux fêtes de familles, j’accepte la situation avec plus de philosophie. Je ne cours plus après lui mais je suis disponible quand il a besoin de moi.

On ne divorce jamais de ses enfants !

Laetitia Mespouille

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